Raya et Namaari, princesses-guerrières, sont amies, puis ennemies, puis amantes. Sisu le dragon le sait, mais la relation lesbienne est implicite pour une audience non-avertie et/ou non-invertie. De quoi blâmer Disney ?
Raya et le Dernier Dragon, réalisé par Don Hall et Carlos López Estrada, est un film d’animation des studios Disney sorti en 2021 et disponible sur Disney+. Le Druun, esprit maléfique, envahit la terre de Kumandra et transforme ses habitants en statues de pierre. Grâce à un gemme puissant, le dragon Sisu chasse le Drunn et libère les humains statufiés. Maintenant divisés en cinq tribus, les hommes et femmes s’opposent pour posséder la pierre magique.
Le père de la princesse Raya (Kelly Marie Tran), détenteur du gemme, croit en la paix et en la réunification. Lors d’un tentative d’apaisement, Raya rencontre la princesse d’un clan opposé, Namaari (Gemma Chan). Toutes les deux ont été élevées par un parent célibataire, sont fans du dragon Sisu (Awkwafina), préfèrent les combats à l’épée et aiment s’habiller de façon « casual ». Rapidement, elles s’appellent « dep la », meilleure amie.
En gage d’amitié, Namaari offre son pendentif en forme de dragon. Un symbole phallique ? Ou une vulve, considérant sa forme et la petite pierre en son centre ? Dans tous les cas, il s’agit d’un traquenard pour dérober l’esprit de Sisu. Les deux jeunes filles se battent, toutes les tribus interviennent et repartent avec un morceau du gemme brisé, alors que le Drunn est libéré. Malgré la trahison, Raya aurait-elle découvert son homosexualité ?
Lesbian Love is in the Air
Selon l’actrice qui prête sa voix à Raya, il y a du romantisme dans l’air entre Namaari et l’héroïne. Elle a interprété le rôle en ce sens. Par ailleurs et pour la première fois dans un film Disney, un personnage est doublé par une actrice transgenre, Patti Harrison. Il y a donc une énergie queer dans Raya et le Dernier Dragon.
D’abord, tout prétendant masculin est absent dans l’histoire. Que ce soit pour Raya ou Namaari, leur relation est le seul enjeu affectif. Physiquement, toutes deux sont des « garçons manqués ». Namaari est la plus butch avec sa coupe de cheveux asymétrique, son crâne rasé, sa carrure imposante, ses muscles apparents. Et ses soldats la craignent.
Car les deux jeunes femmes, princesses et guerrières, sont courageuses et douées au combat. Elles manient l’épée ou la lance avec dextérité. Là aussi, de potentiels symboles phalliques. Lors d’un affrontement, chacune prend l’arme de l’autre et Raya demande à Namaari si elle en avait encore besoin. Un pénis de substitution est alors inutile.
En outre, elles savent qu’avoir la langue bien pendue peut déconcerter l’adversaire. Lors de leur retrouvailles après plusieurs années, Raya, provocatrice, demande à Namaari si elle lui a manqué. Quant à Namaari, elle se rejouit de voir que Raya a « une nouvelle amie » en la personne de Sisu, qui peut prendre apparence humaine.
En fait, la haine est exacerbée entre les deux jeunes femmes, ce qui laisse supposer que, au-delà de la trahison, la raison est plus profonde. Il semble rester un non-dit. Surtout que Namaari n’est pas un cliché de la méchante. Comme Raya, elle lutte, par devoir, pour sauver sa tribu du Druun. De son point de vue, sa cause est juste. Entre les deux personnages qui s’expliqueront et se comprendront, le schéma narratif est alors « amies, ennemies, amantes ».
Le dragon, symbole de clairvoyance queer
Pour autant, le dragon est lucide concernant le lien entre les deux princesses. Alors qu’il regarde Namaari dans les yeux, il voit sa vraie nature. En effet, le dragon oriental, qui symbolise le bien, est connecté à la nature. Est-ce par hasard qu’il adore la coiffure de Namaari ? Qu’il souhaite lui offrir des couteaux en gage de paix ?
Attention, spoilers !
Comme l’enseigne Sisu à Raya, la confiance est la clé et « parfois, il faut faire le premier pas ». Raya et Namaari peuvent toujours être amies. Et Raya sait quoi lui offrir : le pendentif dragon qu’elle a conservé durant tout ce temps à la grande surprise de Namaari. Les sentiments restent malgré les épreuves.
Pour vaincre le Druun, Raya prend la main de Namaari et lui offre sa pierre de Sisu. Sa virginité peut-être. En l’occurrence, Namaari voit enfin la lumière, littéralement. Puis elle rejoint Raya et pose la main sur son épaule. Le Druun terrassé, Raya prend une nouvelle fois la main de Namaari et elles se regardent avec émotion. Enfin et au cas il resterait un doute, les deux jeunes femmes réconciliées partagent des fruits lors du générique final. Le sexe est consommé.
Une représentation LGBTQ+ à degrés variables
Certain.e.s pensent que les studios Disney restent trop timorés concernant la représentation queer. En effet, puisque la relation lesbienne entre Raya et Namaari n’est pas explicitement énoncée, il n’y aurait pas de preuve tangible. Il serait alors facile pour Disney de nier cette relation face à une audience et à un marché conservateurs.
Les spectateurs.trices LGBTQ+ seraient alors victimes de queerbaiting. Cette pratique consiste à attirer ce public sans confirmer l’orientation sexuelle d’un personnage, comme cela a été le cas pour La Reine des neiges ou la dernière trilogie Star Wars. La maison-mère de Mickey ne cesserait de faire du pinkwashing. Autrement dit, elle donnerait d’elle-même une fausse image progressiste sur la question.
Néanmoins, en quoi une représentation queer devrait-elle être clairement affirmée ? La subtilité n’aurait-elle plus sa place ? Laisser percevoir à ceux et celles qui y sont sensibles une éventuelle relation homosexuelle est un gage de complicité et un appel à leur intelligence. Reconnu ou non, reste qu’il s’agit d’une représentation positive d’un couple lesbien, qui allie détermination et amour.