Entre mystery et comédie, le film Meurtre au soleil est bourré de cocktails – un Between the Sheets ? – et de références queer. Hercule Poirot se voit voler la tête d’affiche par des personnages over the top et camp.
À la recherche d’un diamant volé, Hercule Poirot (Peter Ustinov), le détective privé super star créé par Agatha Christie, passe des vacances luxueuses et laborieuses sur une petite île en mer Adriatique. Telles sont les prémices du film Meurtre au soleil, réalisé par Guy Hamilton en 1982 d’après le roman Les Vacances d’Hercule Poirot, publié en 1941. En toute logique, arrive le meurtre. Le corps d’Arlena Marshall (Dame Diana Rigg), show girl à la retraite et garce sans scrupules honnie par l’ensemble des vacanciers.ères, est découvert allongé sur le sable.
Des personnages hauts en couleur de l’arc-en-ciel
Les protagonistes les plus amusants et marquants sont autant witty que bitchy. Par exemple, Rex Brewster (Roddy McDowall, habitué à jouer le gay de service), journaliste à potins et biographe à scandales d’Arlena, est ouvertement homosexuel. Il prend des poses efféminées, tient sa cigarette avec grâce, imite l’ancienne star du showbiz et appelle tout le monde « darling ». Cela lui vaut d’être qualifié de « Nancy » et de « fruit » pour illustrer sa flamboyance.
Rex peut certes être perçu comme un cliché gay, mais chaque personnage, quelle que soit son orientation sexuelle, a des traits caricaturaux pour susciter le sourire. Et la masculinité des uns ou des autres est questionnée. Ainsi, Myra Gardener (Sylvia Miles), au faciès exagérément crapaud et à la voix rauque, balance à son époux « si tu étais un homme, je demanderais le divorce ».
Le degré de queeritude monte avec la rivalité entre Arlena et Daphne Castle (Dame Maggie Smith). Tenancière de l’hôtel pour nanti.e.s et ex-maîtresse du roi de Tyrania, Daphne connaît et déteste Arlena depuis des années. Elles ont débuté leur carrière de chorus girls ensemble. Comme l’hôtelière le rappelle, Arlena était déjà imbattable : elle levait la jambe et écartait les cuisses mieux que quiconque.
Les catfights entre les deux divas se poursuivent jusqu’à leur numéro final. Alors qu’Arlena divertit l’audience en chanson, Daphne tente de lui voler la vedette. Le duo/duel a lieu sur le tube « You’re the Top » signé Cole Porter. Comme le dit le refrain, « baby, if I’m the bottom, you’re the top ». En effet, les deux femmes s’affrontent pour savoir laquelle surclasse l’autre. Par ailleurs, « bottom » et « top » ont le sens de « passif » et « actif » en argot. Autrement dit, Arlena et Daphne chantent à la gloire de la sodomie.
Des costumes dignes de drag race
La garde-robe, designée par Anthony Powell, exagère et sublime les caractéristiques des personnages. Les tenues enrichissent le camp déjà apporté par l’humour. Hercule lui-même arbore un kimono de plage aux motifs extravagants. Quant à Rex, il a l’allure d’un moussaillon avec ses maillots de bain à échancrures suggestives, ses casquettes et ses petits foulards noués autour du cou.
Parmi les rôles masculins, se distingue Patrick Redfern (Nicholas Clay), le pin-up boy hyper sexualisé. Lorsqu’il ne porte pas des costumes bien taillés, le beau gosse au regard azur se pavane avec un mini slip de bain noir. Anachronique pour l’époque, le petit morceau de tissu est habilement filmé pour profiter au mieux du spectacle : contre-plongées sur les fesses charnues qui débordent, caméra centrée sur le derrière de Patrick qui se penche en avant.
Enfin, défilent ces dames. Drag queens dans l’âme, elles passent d’un look fabuleux à l’autre comme elles respirent. Se succèdent donc :
- Chapeaux gigantesques et époustouflants
- Épaulettes monstres et manches ballons
- Strass et paillettes aveuglantes le soir
- Motifs à pois et à maxi pied-de-coq
- Broches énormes et bracelets à foison
Ainsi, alors qu’elle réussit l’exploit de porter des vêtements à la fois fades et excentriques tout au long de l’intrigue, Christine Redfern (Jane Birkin) connaît une transformation à la My Fair Lady pour une sortie à couper le souffle. Telle une meneuse de revue, elle descend les escaliers dans un ensemble noir et blanc, qui fait écho à la scène de la course hippique d’Ascot. En fait, dans Meurtre au soleil, la classe est folle, et c’est peu de le dire.