Hugo Lindenberg est lauréat du prix Livre Inter dès le premier tour de scrutin pour son roman Un jour ce sera vide. Son narrateur, un enfant, est au bord du précipice. Restera-t-il dans la réalité et sain d’esprit ?
Une dédicace « aux enfants seuls et aux aliénés ». Un été sur la côte normande. Le narrateur, un garçon de 10 ans sans prénom et sans amis, est en vacances avec sa grand-mère modeste et taiseuse. Ils sont rejoints par la tante, à la santé mentale instable. Mais il y a la rencontre avec Baptiste et sa famille.
Avec Un jour ce sera vide, Hugo Lindenberg souhaitait « travailler sur la honte, l’identité et la différence ». Car l’enfant ressent du dégoût pour son milieu social, les siens, leur apparence, leur anormalité. Avec un tel rejet et des parents fantômes sur lesquels pèse le silence, le garçon se cherche. Sur la plage, il observe les familles, fantasme leur vie, tente de gommer ses particularités douloureuses pour les imiter.
Tomber amoureux
Puis Baptiste entre en scène. Il est beau, solaire, léger, viril. Contrairement aux autres, sa masculinité naturelle, protectrice exclut toute once de toxicité. « Avec Baptiste, pour la première fois, je ne me sens pas sur mes gardes en présence d’un autre garçon. Je ne crains pas de me faire percuter par surprise. »
Avec Baptiste, le narrateur découvre également la sensualité. « Baptiste prend ma main et promène son index sur la face intérieure de mon bras nu. Je dois bien fermer les yeux et deviner quand il atteint la pliure. C’est insoutenable de bonheur, je cède toujours trop tôt, incrédule face à l’intensité du frisson. » Et le plaisir est partagé. « Je frôle à peine le bras de Baptiste, je le survole de si près qu’il a la chair de poule, yeux mi-clos. » Cette exploration se poursuit dans les bois. Alors que le garçon se livre sur ses fantômes, Baptiste, en apparence touché, lui vole un baiser.
Tomber dans le vide
Cependant, comme l’enfant, le lecteur, la lectrice s’interrogent. « Cette rencontre a-t-elle vraiment eu lieu ? Je ne suis même plus certain d’être allé à la plage ce matin. » À plusieurs reprises, le narrateur doute et fait douter de l’existence de Baptiste.
En outre, lorsqu’il est proche de ce vide tant craint, le garçon fragile entend la voix des méduses qu’il aime torturer avant de les achever. Il a alors recours à la pensée magique pour éviter de basculer, de devenir un « monstre » comme la tante. L’auteur le dit, « cet enfant est à un moment de la vie où il y a cette porosité entre le réel et l’imaginaire, cette frontière entre le monde des vivants et des morts ».
Pour rester dans le monde des vivants, le narrateur peut s’accrocher à cette phrase : « la différence, tu verras, c’est une force ; plus tard ce sera ta force ». Elle est prononcée par la mère rêvée, celle de Baptiste.