Fu Manchu : génie du mal, incarnation du péril jaune et adepte du BDSM - Le Masque d'or

Fu Manchu : génie du mal, incarnation du péril jaune et adepte du BDSM

Le film Le Masque d’or est symptomatique de la représentation de l’ennemi juré asiatique durant l’âge d’or du cinéma américain. Hyper sexualisés, Fu Manchu et sa fille Fah Lo See relèvent de l’éternel stéréotype du.de la méchant.e queer.

Dans Le Masque d’or réalisé par Charles Brabin, le vilain asiatique Fu Manchu (Boris Karloff, auréolé par son rôle de créature dans Frankenstein) recherche la tombe de Gengis Khan. Le sabre et le masque de l’empereur mongol lui permettront de dominer le monde et d’éradiquer les civilisations occidentales. Mais, dans cette version ancestrale et caricaturale d’Indiana Jones et le temple maudit, les pseudo gentils Blancs veillent et déjoueront les plans du maître du mal.

Créé en 1912 par le romancier britannique Sax Rohmer, le docteur Fu Manchu est une illustration parfaite du péril jaune. Autrement dit, il symbolise la crainte des Occidentaux colonialistes de voir les civilisations asiatiques, qu’ils jugent inférieures, les dépasser et les renverser. Mieux encore, Fu Manchu et sa fille, Fah Lo See (Myrna Loy, abonnée aux rôles de femmes fatales exotiques au début de sa carrière), sont, en l’occurrence, joués par des acteurs blancs grimés. Le « yellowface » est le pendant tout autant raciste du « blackface ».

Le film hollywoodien, sorti en 1932, appartient à la période pré-code Hays. Accablés par les critiques des ligues de vertu américaines, les studios décident alors de s’autocensurer via des interdictions qui s’appliqueront dès 1934. Finis les baisers de plus de trente secondes, les parties de jambes en l’air, les scènes dénudées et autres joyeusetés. Mais ça, c’était après.

Père et fille partagent le même boy toy

Pétris de clichés manichéens, Fu Manchu et Fah Lo See personnifient le sexe queer dépravé, attribut malheureux de l’antagoniste dans la fiction. Présentés comme sadiques, ils aiment torturer et leur plaisir est visible à l’écran. En apparence discrète, celle qui est bien la fille de son papa tremble et est proche de l’orgasme, lorsqu’elle observe les coups de fouet donnés à Terry (Charles Starrett), héros blanc fadasse au torse nu et musclé. À plusieurs reprises, elle hurle « plus vite !». Dans l’ombre, le père, satisfait et voyeur, admire la scène. Cette complicité filiale ambiguë vise à laisser une impression de malaise.

Plus tard, Fu Manchu demande une faveur à Fah Lo See. La jeune nymphomane, pas encore lassée par son toutou, peut-elle retarder sa procédure habituelle sur son esclave finalement pas si laid ? Elle accepte, tout en se réjouissant des sévices à venir. Attaché, allongé et couvert d’un simple pagne, Terry est prêt à être soumis à la volonté du docteur asiatique. L’homme blanc porte la même tenue que les esclaves noirs du super méchant, ce qui figure la hiérarchie « raciale » selon Hollywood à l’époque. Apparemment bisexuel, Fu Manchu caresse le cheveux et le torse du prisonnier, avant de lui injecter un sérum pour pouvoir le contrôler. Souhaite-t-il avoir son propre jouet sexuel ? Dans tous les cas, c’est au tour de la fille d’être spectatrice, en fumant avec nonchalance.

Après avoir attiré ses coéquipiers dans un piège, Terry est libéré de l’emprise jaune par sa fiancée, Sheila (Karen Morley). L’insipide héroïne, construite en opposition à Fah Lo See, crie « il est à moi, il m’appartient ! ». L’homme objet retourne à sa première propriétaire, même insignifiante. Fu Manchu ne s’y trompe pas : il décide de sacrifier rapidement la femme blanche, alors qu’il regorge d’idées pour soumettre et tuer avec lenteur les hommes. Bi un jour, bi toujours ?

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