Tout en finesse, Gaëlle Geniller raconte, en BD, l’apprentissage du jeune danseur Rose au sein d’un cabaret burlesque. Au-delà des questions de genre et d’orientation sexuelle, l’auteure dessine le portrait d’un personnage queer tendre mais déterminé.
Paris, années 1920. Le cabaret burlesque Le Jardin met en lumière un bouquet de fleurs. Perce-Neige, Tournesol, Violette ou Coquelicot dansent et s’effeuillent. À l’image de Marguerite et Hyacinthe – qui forment un couple lesbien –, Rose, un jeune homme de 19 ans, fait le show. Fils de la patronne, il a grandi entouré de l’amour de ces femmes qu’il admire. Il est donc naturel pour lui d’éclore et de s’épanouir habillé avec des vêtements dits féminins.
Dépasser les limites des codes genrés
Dans la bande dessinée Le Jardin, Paris parue chez Delcourt, Gaëlle Geniller invite, sans voyeurisme, ses lecteurs.trices sur la scène et dans les coulisses du cabaret. En effet, elle propose de suivre le parcours de Rose avec tendresse et élégance, tant dans l’histoire que dans le dessin. Le danseur s’émancipe des codes genrés sans complexe. Un bourgeon devient une fleur.
Même si le discours se veut positif, certains personnages tiquent. Frustrée par sa vie personnelle normée, la sœur de Hyacinthe a l’esprit critique. Et, quand Rose n’affronte pas les tentatives de drague lourde de certains hommes, il répond aux questions d’un journaliste : « vous considérez-vous comme une femme dans le corps d’un homme ? » Sa réponse est claire : « je me considère comme un homme qui aime tellement les femmes qu’il a envie de faire comme elles. » Les femmes subliment leur corps, pourquoi ne pourra-t-il pas en faire autant ?
S’affirmer avec douceur et puissance
Rose est soutenu dans sa démarche. D’abord par toutes les fleurs du Jardin, qui, unies, forment un cocon protecteur autour du jeune homme. Elles l’accompagnent dans la recherche de son style vestimentaire et artistique à la ville comme à la scène, dans la sphère privée comme dans l’espace public. Leur but : qu’il soit lui-même, sans les copier. Peu importe qu’il porte des pantalons ou des robes en fonction de ses envies.
Ce groupe est rejoint par Aimé, l’habitué de Rose au cabaret. Issu d’une bonne famille, l’amoureux timide se décide à inviter sa fleur favorite. Pour cette première, Rose décide de se faire beau avec une robe et du maquillage. Afin d’éviter toute bévue, Aimé lui demande s’il doit dire « il » ou « elle ». Ce sera « elle » pour la soirée. Le pronom est hors sujet, tant qu’il n’est pas moqueur. Tout comme le sexe est hors sujet, car la relation reste platonique et l’orientation sexuelle de Rose mystérieuse.
Telles sont l’originalité et la qualité du personnage de Rose. Avec simplicité et douceur, il s’affranchit des clichés liés aux genres. Gaëlle Geniller le dit, « il est fort dans sa sensibilité ». La fragilité est la force tranquille de Rose et il sait très bien exprimer cette puissance : « s’il suffisait de mettre un pantalon pour être correctement traité, vous pensez bien que toutes les femmes brûleraient leurs jupes. »