Murder, She Wrote : où sont les gays à San Francisco ?

Arabesque à San Francisco : mais où sont les gays ?

Dans la série TV Arabesque/Murder, She Wrote, l’icône gay Jessica Fletcher/Angela Lansbury enquête dans un club de drag queens hétérosexuelles à San Francisco. Et non, ce n’est pas une plaisanterie.

Dans Les Chroniques de San Francisco diffusées sur Netflix, Michaël, qui adore Murder, She Wrote, explique à Ben, son petit-ami, à quel point Dame Angela Lansbury est une icône. Ben répond qu’il n’a pas besoin d’être « gayspliqué ». Il est jeune, mais connaît ses classiques !

En effet, l’actrice britannico-américaine est une icône queer, depuis qu’elle a interprété le premier rôle dans la comédie musicale Mame à Broadway. Le personnage de Tante Mame, qui fait fi des conventions sociales, symbolise la liberté d’être qui l’on souhaite. Et, sans représentations explicites, l’audience LGBTQ+ a tendance à se projeter dans certaines figures emblématiques de la pop culture mainstream.

Par conséquent, cette image suit Angela Lansbury, lorsqu’elle interprète Jessica Fletcher dans la série Murder, She Wrote alias Arabesque en français. Pendant 12 saisons, Mrs Fletcher, veuve et auteure de romans policiers, enquête sur de vrais meurtres, la plupart commis dans la petite ville du Maine où elle réside.

Quelque chose d’étrange à San Francisco

Cependant, dans l’épisode 4 de la saison 1 – « Birds of a Feather » ou « Qui se ressemble s’assemble » ; tiens, tiens – diffusé en 1984 et disponible sur Prime Video, Jessica se rend à San Francisco. Elle y retrouve sa nièce Victoria (Genie Francis), qui doit épouser Howard (Jeff Conaway).

Même si elle est sûre des sentiments de son cher et tendre, Vicky a des soupçons. Elle a découvert qu’il n’est plus assureur, comme il le prétend. Maintenant, il travaille la nuit et sent le parfum le matin. Victoria a même trouvé des traces de rouge à lèvres sur l’un de ses mouchoirs. Puisque le grand nigaud a laissé traîner des allumettes au nom d’un night club, Vicky décide de s’y rendre avec sa tante pour connaître la vérité.

Le club en question se nomme Les Champignons, en français dans le texte. Une référence à une quelconque MST ? En tout cas, le duo d’enquêtrices en prend plein les yeux ! Entre tentures rouges, lustres en cristal, chandeliers et coquillages dorés, fontaine, putti, fond de scène en lamé, plumes et flamants roses, le rococo est à l’honneur. Tiens, mais un client n’est-il pas village-peopleïsé avec sa tenue de motard SM ?

Comme Jessica le dit, « il y a quelque chose d’un peu étrange » dans ce club, même si elle n’arrive pas à mettre le doigt dessus. Décidément, elle a le nez creux…

Le concept du club de drag queens hétéro

Puis, entre en scène Michelle Dupont, toujours en français dans le texte pour le chic et drag queen de son état. Elle chante qu’elle se languit de voir un homme, avant d’être interrompue par un cri retentissant. Tout à coup, une autre drag queen, vêtue de brocard rose, surgit de la coulisse. Elle court, se prend les pieds dans le tapis, tombe et perd sa perruque. Mais, Dieu du ciel, c’est Howard !

Alors qu’elle laisse son sac à main à un policier gêné par cet accessoire a priori féminin, Victoria n’est absolument pas choquée par le costume d’Howard. Elle est soulagée. Il n’a pas de maîtresse, simplement une garde-robe plus extravagante que la sienne. Et elle croit Howard, lorsqu’il affirme que ce n’est qu’un travail. Accessoirement, il assure également qu’il n’a pas assassiné son boss.

Pour dissiper le moindre doute, les amoureux s’embrassent à bouche que veux-tu – tout comme la fameuse Michelle Dupont et l’épouse/veuve du propriétaire du club un peu plus tard. Mais qu’on leur jette un seau d’eau froide ! À ce moment précis, le lieutenant de police en charge de l’enquête (Harry Guardino) les surprend. Entre tous ces falbalas, il ne sait reconnaître le suspect.

Une fois au commissariat, Howard, toujours en robe, croise un nouveau motard SM, qui lui propose un rencard. Il mériterait bien un coup de talon ! Dans la salle d’interrogatoire, Howard convaint Mrs Fletcher de son innocence. En plus, il dit être une terrible drag queen. Ouf, l’honneur hétéro est sauve !

Au fil de sa propre enquête, Jessica se rend chez le lieutenant. Quelle n’est pas sa surprise, lorsqu’elle découvre un tout autre homme. Raffiné, il l’accueille dans une robe de chambre rose poudrée avec une énorme chevalière au doigt. L’appartement et une bonbonnière remplie de plantes, de cadres et de porcelaines accrochés aux murs. Et, bien entendu, il a une chatte, qui s’appelle George. Il explique à l’imperturbable Mrs Fletcher que sa vraie personnalité est différente de celle qu’il affiche au travail. I see your true colors shining through, like a rainbow.

Les gays et la fatalité des années 80

En fait, peu importe le nom du.de la coupable. L’intrigue est ailleurs : comment un club de drag queens à San Francisco pourrait-il décemment être dénué de personnages queer ? Certes, il s’agit d’une fiction, qui ne relève pas de la réalité par définition. Le concept de drag queen hétérosexuelle pourrait éventuellement sembler d’avant-garde, mais il n’en est rien.

Dans les années 1980, Ronald Reagan est président des États-Unis. Sous son joug homophobe, les personnages LGBTQ+ disparaissent des écrans de télévision. En effet, les chaînes craignent les retombées sur les audiences.

Pour autant, Mrs Fletcher ne manifeste aucun rejet face aux questions de genre évoquées par l’épisode. Le comportement de la protagoniste est cohérent avec les prises de position de son interprète. Contrairement à Reagan qui mettra des années à ne serait-ce qu’évoquer le sida, Angela Lansbury s’engage activement dans la lutte contre la maladie.

Néanmoins, une énigme n’est pas élucidée : pourquoi le titre Murder, She Wrote est-il traduit par Arabesque ? Le mystère reste entier…

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