Dans la saga cinématographique Angélique, l’héroïne au caractère bien trempé est malmenée. D’agressions sexuelles en viols, son chemin croise deux personnages homosexuels différents mais caricaturaux.
Entre 1964 et 1968, cinq films, réalisés par Bernard Borderie, mettent en scène Angélique, interprétée par Michèle Mercier, et sa collection de perruques rousses :
- Angélique, Marquise des anges
- Merveilleuse Angélique
- Angélique et le Roy
- Indomptable Angélique
- Angélique et le Sultan
Cette saga est l’adaptation d’une série de romans historiques signés Anne Golon et publiés à partir des années 1950.
Sous le règne de Louis XIV (Jacques Toja), Angélique de Sancé de Monteloup est, malgré elle, promise à Joffrey comte de Peyrac (Robert Hossein). Vieux, balafré, boiteux et vêtu de cuir, la bête finit par séduire la belle grâce à son tact et à son esprit. Ils vécurent heureux et eurent deux enfants, mais cela ne dura pas. Alchimiste-sorcier trop riche et un brin vaniteux, Peyrac suscite les jalousies. Elles le mèneront au bûcher. Spoiler alert : il est toujours en vie, mais chut… Jeune veuve éplorée, Angélique prépare sa vengeance et un plan pour retrouver son rang. Quitte à sacrifier sa vertu ?
Sexisme et culture du viol
Anne Golon condamne les films. Selon elle, ils sont « mysogynes ». Angélique est présentée comme une « petite putain » bien « niaise ». Mai 68 n’étant pas encore passé par là, la libération de la femme et de son corps via la sexualité est hors sujet. Pour autant, la Marquise des anges a pleinement conscience de ses désirs. Elle multiplie amants et maris comme bon lui semble. Dans Merveilleuse Angélique, elle utilise le Poète crotté (Jean-Louis Trintignant) et ses talents pour se venger de Monsieur, frère du roi, et de ses amis. Ambitieuse, elle impose le mariage à son cousin, marquis de Plessis-Bellières (Claude Giraud), pour regagner un titre et la Cour de Versailles.
Néanmoins, l’érotisme mis en avant dans la version cinématographique est absent des romans. En l’occurrence, cette érotisation du personnage mène au sexisme. Même si elle ne cesse de se refuser au roi – frustré mais plus respectueux que certains –, Angélique est, a minima, victime de six tentatives de viol et de deux viols. Ne sont pas comptés les baisers volés, la nudité forcée, la vente comme esclave, les coups de fouet et le marquage au fer rouge. Et la frontière est parfois floue : l’héroïne est-elle consentante quand elle dit expressément non avant de dire oui face à l’insistance du mâle ?
Cette culture du viol ou banalisation des agressions sexuelles est notamment présente dans Angélique et le Roy. En mission diplomatique, Angélique rencontre le Bey (Sami Frey), ambassadeur perse. Il croit que la Marquise est un présent de Louis XIV. Pour lui, l’idée qu’une femme puisse parler et être écoutée par un homme relève de la « barbarie ». Persuadé que le sexe faible aime les coups, il préfère le viol et la torture. Égorger des ribaudes est son petit plaisir. Au-delà de la toxicité masculine, le.la spectateur.trice appréciera la représentation exotico-raciste du « sauvage ».
Homosexuels et caricatures
« Comme disait Monsieur le frère du roi, le supplice du pal est un jeu qui commence si bien et qui finit si mal. » Cette citation sur la sodomie, extraite d’Angélique et le Roy, donne le ton.
Il est avéré que Philippe d’Orléans, dit Monsieur, était ouvertement homosexuel et qu’il entretenait une relation amoureuse avec le chevalier de Lorraine. Au cinéma, le duc d’Orléans (Robert Porte) devient un complotiste sadique à la voix suraiguë et prêt à tout pour éliminer Angélique. L’image du vilain queer archétypal est de retour. Dès Angélique Marquise des anges, l’héroïne est une menace. En effet, elle découvre que les amis de Monsieur fomentent l’empoisonnement du roi.
Dans Merveilleuse Angélique, la Marquise assiste à une soirée entre hommes trop avinés. Échauffé, le frère du roi finit par embrocher un jeune garçon qu’il compare à un poulet. Le supplice du pal est un jeu qui finit si mal.
Avec Angélique et le Sultan, le personnage homosexuel Osman Ferradji est plus discret, presque indétectable. Il est joué par l’acteur et chanteur Jean-Claude Pascal, qui aime les hommes dans la vie. Par ailleurs, l’artiste remporte l’Eurovision en 1961 avec un hymne LGBTQ+ à peine masqué : « Nous les amoureux, Il paraît que c’est l’enfer, Qui nous guette ».
Ferradji, cultivé, raffiné, aux yeux dessinés au khôl, est au service du sultan. Il parcourt la Méditerranée à la recherche des plus beaux trésors pour satisfaire son maître, dont les deux passions sont les femmes et les chevaux. Le serviteur est amoureux et le cache peu : « je veux tout pour lui ».
Son sens du sacrifice inclut la mort. Alors qu’Angélique s’est échappée du harem, Osman accepte volontiers son châtiment. Le sultan l’attache à son cheval puis, au galop, le traîne dans le désert. Ferradji expirera dans ses bras. Il s’agit du cliché narratif « bury your gays », « enterrez vos gays » en français. Autrement dit, tout personnage queer est condamné à mourir dans une œuvre de fiction.
Donner une image nuancée d’un homosexuel ? Et puis quoi encore !