Le Cercle des poètes disparus : carpe diem, deviens un homme et sors du placard !

Le Cercle des poètes disparus : carpe diem, deviens un homme et sors du placard !

Un professeur invite ses élèves à découvrir et à assumer leurs différences. L’identité de deux personnages se révèle être queer. Même si elle n’est pas explicite, elle est décrite comme telle.

Film culte d’une génération, Le Cercle des poètes disparus illustre ce que signifie devenir un homme. Réalisé par Peter Weir en 1989, il retrace le parcours de jeunes garçons au sein de l’académie Welton, milieu masculin, clos et conservateur, dans les États-Unis des années 50. Neil (Robert Sean Leonard) et Todd (Ethan Hawke) sont particulièrement sensibles aux préceptes du nouveau professeur de littérature, John Keating (Robin Williams).

En effet, Monsieur Keating se distingue des autres enseignants par son excentricité. En référence au poète queer Walt Whitman, il leur demande de l’appeler « Ô Capitaine, mon Capitaine ». Scandant la locution latine carpe diem, il conseille à ses élèves de profiter du jour présent avant qu’il ne soit trop tard. Pour changer leur point de vue, les aider à assumer leur singularité et à trouver leur voie, il les enjoint à monter sur le bureau. De même, il les invite à marcher comme bon leur semble et à être eux-mêmes. La question de la démarche efféminée suspicieuse et source de moquerie est sous-jacente. Et, alors qu’il cite une nouvelle fois Whitman – « tu peux apporter ta rime » –, il regarde Todd, tétanisé, et l’interroge : « quel sera votre rime ? »

Car Todd est totalement replié sur lui-même. Prendre la parole en public est une torture. Par conséquent, il évite de lire le poème de son cru demandé par le professeur. Keating le provoque et le pousse à crier comme un homme, un vrai. Piqué, Todd improvise :Whitman est un homme fou qui marmonne la vérité (queer ?). Cette vérité, couverture recouvrant le visage, est difficile à assumer. Belle métaphore de l’homosexuel dans le placard ! Le plan suivant est sur le visage ému de Neil.

La naissance d’un couple queer

Neil et Todd, camarades de chambrée, peuvent former un couple aux yeux d’une audience LGBTQ+. Le premier, torse nu et avec une serviette autour de la taille, provoque le rapprochement dans la salle de bain commune. Todd, à l’écart et habillé, se laisse finalement convaincre de rejoindre le Cercle des poètes disparus, un club secret dédié à la lecture de poèmes. Plus tard, lorsque Todd écrit de la poésie, Neil le taquine en prenant ses notes. Todd le poursuit dans leur chambre et Neil, amusé et debout sur son lit, s’écrit que Walt Whitman lui-même est après lui.

Et leurs camarades connaissent les penchants de Neil. Au début de chaque séance du Cercle, les vers de « Sucez la moelle de la vie » de Henry David Thoreau, poète considéré queer par certain.e.s spécialistes, sont lus. La lecture du jeune homme est ponctuée d’un « Suck it, man! » lancé par un membre du club.

S’affirmant de plus en plus, Neil décide de faire du théâtre. Il joue brillamment le rôle de Puck dans la pièce Le songe d’une nuit d’été de William Shakespeare, lui aussi auteur queer. Puck appartient au monde des fées, « fairy » en anglais – soit homosexuel en argot – et est désiré par le roi Oberon.

Pour sa part, Todd est inquiet. Si le père de Neil est informé de son implication dans la pièce, il réagira mal. Ne se sentant pas soutenu, l’apprenti acteur explose : « dans quel camp es-tu ? » Le camp queer, il l’espère. Dans le doute, Neil demande conseil au Capitaine. Sentant que le jeune garçon tente de se libérer d’une identité qui ne lui convient pas, il lui recommande d’avouer à son père ce qu’il est.

Du renoncement à l’acceptation

Attention, spoilers !

Mais Neil ne le fait pas et est découvert. Son père refuse que Neil gâche sa vie. Il ira donc dans une école militaire. Neil essaye d’exprimer ce qu’il ressent, mais n’y parvient pas.

Puis Neil est torse nu dans sa chambre, comme un écho à la scène de la salle de bain. Il porte la couronne de Puck, tel une proud queen. Composée de branchages et de baies, elle symbolise la nature, sa vraie nature. Cependant, il incline la tête, résigné, et salue une dernière fois, avant de quitter la scène. Il se suicide.

Todd est évidemment le plus affecté par la mort de Neil. Sous la neige, Todd, au contact de la nature comme l’être aimé, trouve que le paysage est beau. Il vomit, hurle et court vers l’horizon, loin de ses camarades, pour embrasser ce qu’il souhaite être.

Keating, bouc-émissaire, est désigné responsable du décès de Neil. Todd, confronté au directeur de l’école et à ses parents, tente de résister, mais cède à la pression. Il signe un document reconnaissant la mauvaise influence du professeur de lettres.

Renvoyé, Keating rassemble ses affaires et traverse la salle de classe. Todd commence à parler, mais est menacé d’expulsion par le directeur. Alors Todd retire la couverture pour dire la vérité et sortir du placard. Il monte sur le bureau et interpelle son professeur : « Ô Capitaine, mon Capitaine ! ». Plusieurs élèves l’imitent.

Touché, le Capitaine les gratifie d’un « merci, les garçons ». Le dernier plan montre le visage de Todd, enfin libéré, en arrière plan et encadré par les jambes de l’un de ses camarades. Carpe diem, tu es un homme queer !

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