La première saison de la série queer Disney Love, Victor est paradoxale. Elle échoue à questionner la masculinité toxique via son protagoniste gay, mais réussit grâce au personnage du meilleur ami hétéro.
Après le roman Moi, Simon, 16 ans, homo sapiens de Becky Albertalli et son adaptation cinématographique Love, Simon de Greg Berlanti, Disney+ filme la suite de l’histoire dans la série Love, Victor. Le Victor en question (Michael Cimino), ado en plein doute sur son orientation sexuelle, quitte le Texas avec sa famille pour emménager à Atlanta. En quête de conseils, le baby gay entame une correspondance virtuelle avec Simon (Simon Spier), qui a connu des affres identiques dans le film précédent.
Un protagoniste pétri de clichés
Attention, spoilers !
Victor, issu d’une famille latina catholique, est obsédé par le lien entre homosexualité et masculinité. Pour lui, son père et son grand-père, être efféminé est synonyme d’être queer, et vice versa. Le petit frère, qui s’amuse avec une baguette de fée, inquiète les mâles de la famille. Ce cliché scénaristique, vu et revu, crée le malaise.
Puis, Victor, en visite à New York pour rencontrer Simon, est pétrifié devant les colocataires de son correspondant, trop « super gay » à ses yeux. Bram (Keiynan Lonsdale), le petit-ami de Simon, le fait jouer au basket avec des homo virils pour qu’il soit rassuré et qu’il comprenne, enfin, que le spectre LGBTQ+ est large. Même si Victor est victime d’homophobie internalisée, cette découverte innocente de la performance du genre et de la visibilité queer diversifiée est facile et peu crédible.
Autre idée préconçue, la bisexualité serait un passage presque obligé avant d’accepter son homosexualité. Benji (George Sear), le crush de Victor, a lui aussi pensé être bi avant d’être ouvertement gay. Cela signifie, d’une part, que la bisexualité ne serait pas une identité en soi, et que, d’autre part, il serait préférable de tester pour être sûr de soi. Il est peu probable que Mia (Rachel Naomi Hilson) apprécie de jouer le rôle de petite-amie cobaye pour Victor, quand elle le surprend en train d’embrasser Benji. Et Victor est le premier à reprocher à sa mère d’avoir trompé son père. Les contradictions adolescentes ont des limites. Cependant, le protagoniste évoluera dans la saison 2.
Le meilleur ami qui fait du bien
Mais, heureusement, Felix est là ! Joué par le délicieux Anthony Turpel, le personnage est d’emblée un original : look 90s déjà ringard à l’époque et cheveux au-delà de l’effet décoiffé. Voisin de Victor, il l’accueille dès son arrivée et lui propose de garder contact grâce à des… talkies-walkies. Interloqué, Victor contre-propose d’échanger des SMS. Tout sourire, Felix reproche à son nouveau bestie de manquer de fantaisie.
Felix est présenté comme un hétérosexuel secrètement amoureux de Lake (Bebe Wood). Alors qu’elle lui demande de la noter sur son physique, Felix refuse de la réduire à un chiffre. Pour lui, elle mérite de rencontrer un baudroie. En effet, le mâle de cette espèce de poisson est « un vrai romantique ». Une fois qu’il a trouvé sa compagne, il la mord, fusionne avec elle, puis meurt pour devenir une partie de la femelle. « Il a ce qu’il toujours voulu : être avec elle pour toujours. » Derrière cette déclaration à peine déguisée, Felix souhaite que Lake comprenne qu’elle mérite un garçon qui se sacrifiera pour elle. Comment résister ?
Néanmoins, la virilité de Felix est souvent remise en cause, ce qui accentue son caractère de loser pour les autres personnages. Il est surnommé « une boule » (« lone stone ») par les élèves et le corps professoral (sic). Depuis plusieurs années, la rumeur dit qu’il aurait perdu un testicule lors d’une partie de balle aux prisonniers. La principale adjointe va jusqu’à contester la pertinence pour Victor d’avoir Felix comme ami (resic).
Felix lui-même a intégré ce doute sur sa masculinité. Quand il apprend que Victor et son père prépareraient une virée entre mecs, il est vexé de ne pas être invité. Pourtant, il est « presque sûr d’être un garçon ». Mais Lake, alors qu’elle est devenue le flirt caché de Felix, saisit la perche pour questionner sa virilité.
En fait, Felix a grandi sans père et donc sans modèle masculin. Invité à la fête d’anniversaire de Victor, il observe et tente d’imiter, sans grande conviction, le comportement de mâle alfa type du père et du grand-père de son ami devant un match de foot.
L’avantage de ce manque de modèle se traduit par une masculinité saine et non toxique chez Felix. Il se moque du fait que Benji soit gay. Se sachant en confiance, Victor fait, en premier, son coming-out auprès de Felix. Sa réaction ? Il prend son ami dans ses bras, lui dit qu’il est content de le savoir et que cela ne change rien entre eux. Ému, il verse même une petite larme.
Le personnage de Felix illustre ainsi le fait qu’être un homme, être hétéro et être viril sont déconnectés. Ce qui explique probablement sa popularité sur le net.